La Décolonisation en Suspens: états nationaux et nationalisme au Maghreb

René Galissot

Resumo


Dire décolonisation renvoie au moment des indépendances. Cette décolonisation événementielle et politique fut relativement rapide pour la Tunisie et le Maroc du fait de l’intensité et de la prolongation de la guerre française d’Algérie. La décolonisation économique se traduit par le retrait
des intérêts lié à la fi n du peuplement colonial.
A l’intérieur, les sociétés basculent des campagnes vers les villes à vitesse inégale; les gouvernements s’engagent diversement dans l’étatisation économique.
Le Maghreb entre dans l’âge du nationaldéveloppementalisme par l’Etat, appliqué en Algérie, partiellement en Tunisie, renvoyé à l’opposition de gauche au Maroc.
Dans des sociétés islamisées (et non pas islamistes), l’usure du national-développementaliste fait place à l’affi rmation non sans connivence interne conservatrice, puis à l’expansion idéologique de l’islamisme en mal de prendre la direction de l’Etat national.
Comme ailleurs, la colonisation a dominé les colonisés en les assujettissant à un statut communautaire confessionnel doublé de manipulations ethniques. Les colonisés ont été maintenus ici sous statut musulman redéfi ni par le droit colonial pour interdire l’accès au droit civil et aux droits politiques. Dans la réplique à la domination coloniale, la lutte nationale a intériorisé l’identifi cation à l’Islam principalement sous le mode de l’arabo-islamisme.
Or la reconnaissance des Etats indépendants s’accompagne, comme ailleurs, de l’exode plus ou moins rapide des coloniaux «Européens» et des Juifs. Ce double exode fait qu’il ne reste plus que des  «nationaux musulmans»; les codes de la citoyenneté-nationalité ont repris le code colonial du statut musulman (avec des réformes en Tunisie). En ce sens, la colonisation a gagné, pour l’heure du moins, comme le manifeste le chaos de l’Afrique au Moyen-Orient. C’est de l’intérieur que la décolonisation n’est pas faite ; du moins la sécularisation s’avance sous les voiles de l’appartenance confessionnelle et de la proclamation d’une authenticité identitaire civilisationnelle. Cette décolonisation en suspens supporte les contradictions sociales du présent dans l’enfermement dans les frontières de l’Etat-nation qui ne peut retenir les migrants; l’Etat national est encore vu comme indépassable.

Mots-clés: Afrique du Nord coloniale, continuités et ruptures de l’indépendance, Maghreb, nationalismes d’Etat, frontières et Sahara, périphérie post-coloniale.


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